04.07.2022
Oceaneye l'interview du fondateur Pascal Hagmann
04.07.2022
Oceaneye l'interview du fondateur Pascal Hagmann
Qu’est-ce que Oceaneye ? Quelle est l’initiative de l’association?
Oceaneye a été créée en 2010 par un groupe de personnes passionnées par l’environnement marin, principalement des navigateurs et des biologistes. La thématique des plastiques dans les océans est rapidement apparue comme incontournable pour plusieurs raisons. C’est d’abord une problématique émergente avec de grands besoins en données. Ces données peuvent être produites avec des appareils et des méthodes simples. Elle est donc accessible pour une association telle que la nôtre. Ensuite, c’est également une problématique tangible qui est perçue et comprise facilement par n’importe quel citoyen. Chacun produit des déchets et se sent donc concerné. Enfin, ce thème est également un symbole des maux environnementaux modernes : le consumérisme, les usages-uniques, l’obsolescence programmée des objets, etc.
Quel est son but ?
Oceaneye a pour objectif de contribuer à la lutte contre la pollution par les déchets plastiques en participant à la prise de conscience collective de la pollution des eaux, de ses causes et effets et en contribuant à la recherche scientifique en menant des campagnes de collecte et d’analyse d’échantillons d’eau de surface des océans.
Vous effectuez beaucoup de recherches scientifiques, pouvez-vous partager vos dernières trouvailles / conclusions?
Nous menons principalement un projet de sciences participatives qui a pour vocation de cartographier, à l’échelle globale, la pollution plastique de la surface des océans. Pour cela, nous collaborons avec un réseau de voiliers bénévoles qui nous aident à collecter des échantillons, que nous analysons dans notre laboratoire. Nous produisons ainsi des données que nous distribuons. Nos utilisateurs de données sont des scientifiques et des programmes internationaux de lutte contre la pollution plastique comme par exemple la DCSMM (directive-cadre « stratégie pour le milieu marin ») de la Commission européenne.
Quelques chiffres clés?
Nous produisons annuellement dans le monde près de 400'000'000 de tonnes de plastique par an. Cela représente approximativement le poids de l’humanité. De nombreux pays ne traitent pas les déchets plastiques et il y a des pertes. Le flux de plastique entrant dans les océans est estimé à 10'000'000 tonnes par an. Le gisement océanique représenterait environ 200'000'000 tonnes.
Quelles actions peut-on faire au quotidien pour participer à la lutte contre la pollution plastique ?
On cite en général la règle des 4R pour limiter son impact plastique :
- Réduire / refuser : les usages-uniques représentent une grande part de notre consommation de plastique. Dans de nombreux cas, il est possible de s’en passer et trouver une solution alternative. L’exemple type est la vaisselle jetable.
- Réutiliser : s’il n’est pas possible de refuser un produit, on va chercher à le réutiliser. On dit souvent que « le bon sac n’est pas celui en papier ou en plastique, mais simplement celui que l’on réutilise ». Le mal n’est pas le matériau, mais son usage.
- Réparer : souvent les produits défectueux sont éliminés alors qu’ils pourraient être réparés.
- Recycler : lorsqu’il n’y a plus d’autre solution pour objet que de devenir un déchet, il peut être avantageux de le recycler à condition qu’une filière existe comme pour les bouteilles en PET.
Quelles sont les régions ou les pays les plus atteints par la pollution des mers et des océans ?
En ce qui concerne la pollution plastique de surface, il y a deux types de zones fortement polluées. Les régions à forte densité de population où l’on consomme beaucoup de plastique comme le bassin méditerranéen ou l’Asie du Sud-Est. Il y a également les gyres océaniques, zones de convergence des courants marins qui accumulent les déchets plastiques. On trouve évidemment des déchets dans tous les compartiments de l’écosystème marin, comme les fonds, les sédiments, la colonne d’eau les rives et le biota (le monde vivant). On considère que la pollution de surface représente 1% de toute la pollution marine.
Comment se situe la Suisse par rapport au reste du monde ?
La Suisse est un très gros consommateur de plastique (plus de 120 kg/personne/an), mais un modèle en terme de traitement des déchets. Les déchets mis à la poubelle sont traités. Les sources de pollution proviennent principalement des incivilités et des sources primaires comme les résidus de pneus, les fibres synthétiques et les microbilles cosmétiques. Les concentrations de polluants plastiques dans le Léman sont du même ordre de grandeur que celles des océans. Cela s’explique par la forte densité de population sur son bassin versant.
Quel serait l’impact sur la planète si nous ne faisons pas attention à nos déchets ?
C’est très difficile à évaluer. Il faut savoir que les microplastiques ne connaissent pas de limites en terme de fragmentation et de dispersion dans l’environnement. On en retrouve absolument partout : devant chez nous, dans les fonds marins, dans les glaces en Arctique, dans les lacs de hautemontagne et depuis peu dans le système circulatoire humain ou dans la sève des arbres. Evaluer les risques pour l’environnement et la santé est extrêmement difficile. L’Office fédéral de l’environnement résume bien la situation. Je cite : « Des effets concrets sur les organismes ont été prouvés en laboratoire […] Les évaluations suggèrent que le risque est faible. Toutefois, ces estimations sont soumises à une grande incertitude. »
Que pensez-vous de l’initiative de Rivea à vouloir aider, à son échelle, la préservation de nos océans ?
Nous considérons qu’il y a trois types d’acteurs dans cette problématique. Le producteur, le consom’acteur, et le législateur. Nous sommes très heureux de pouvoir collaborer avec Rivea car cela nous permet de toucher un producteur qui cherche à son échelle de limiter l’impact plastique et de sensibiliser ses clients.
Quels sont les projets à venir ?
Nous en avons plusieurs en cours. Nous venons de finaliser l'exposition "Plastic Léman" qui est en accès libre depuis le 23 juin jusqu'au 4 août 2022 au Musée du Léman à Nyon. Elle ira certainement dans d’autres musées par la suite. Nous allons publier prochainement des résultats sur la pollution dans le Rhône. Nous menons toujours de nombreuses interventions dans les écoles. Nous continuons également à élargir notre réseau de voiliers partenaires. Et enfin, notre grande nouveauté : nous préparons une nouvelle expédition Oceaneye au long cours qui partira cet automne.
Comment pouvons-nous soutenir Oceaneye ?
En essayant, autant que faire se peut, d’appliquer la règle des 4R pour soi-même et/ou pour son entreprise, en achetant des produits durables comme ceux de Rivea. Et pourquoi pas en faisant un don à l'association.